Héloïse Bouteille, créatrice de mode enfantine tricotée et durable

Tu es diplômée de la promotion 2019 de l'École. Comment as-tu vécu ta formation et qu'est-ce que l'école t'a apporté, tant sur le plan professionnel que personnel ?

Je suis diplômée de L’École de la Maille, (parce qu’il n’y en a pas deux comme elle, elle mérite bien un grand L) depuis juillet 2019.
Avant cela, j’ai étudié le design textile à l’ENSAAMA, puis je suis partie en stage de théâtre et danse contemporaine à Berlin. Le costume m’a donné le goût pour la conception de vêtements. Le milieu de la mode ne m’attirant pas, j’ai recherché des chemins parallèles pour m’en approcher. Après plus d’un an dans le milieu du théâtre, j’ai eu besoin de retourner me former. J’avais très envie de me perfectionner dans un savoir-faire. Je souhaitais intégrer le milieu de la mode par ce biais-là, celui de la technique.
N’étant pas du tout attirée par le système scolaire étudiant français, j’ai d’abord visité des écoles en Suède et en Allemagne... Mais le hasard m’a fait découvrir l’École de la Maille de Paris, en passant dans sa rue, à Paris (sourire) ! Finalement cette petite école regroupait tout ce que je cherchais : apprentissage technique, cours divers gravitant autour des métiers de la mode, mais aussi du design, de l’architecture, de la  littérature, etc. On allait au théâtre ! De plus, c’est bien la première fois que je découvre une école supérieure si ouverte à la diversité des profils (âges variés, parcours professionnels divers et enrichissants) et mettant en avant un système de notation sans note !! Bref... je suis conquise par cette approche pédagogique bienveillante. Les élèves me font un superbe accueil lors des portes ouvertes en janvier 2017! J’ai ensuite travaillé jusqu’à la rentrée début octobre, pour commencer à financer ma scolarité. Je reste marquée par les ateliers d’écriture qui ont ouvert un nouveau terrain de jeu en moi. L’école m’a permis de rencontrer l’équipe de la filature Fonty avec qui je continue aujourd’hui de travailler et qui me soutient depuis le premier jour de la création de mon entreprise : L’HABIDOUILLE. Des habits évolutifs, mixtes et durables pour les enfants de 0 à 6ans. Conçus et tricotés en France, à partir de laine mérinos tracée.

Peux-tu nous dire quelles compétences singulières l’École t’a données qui te sont utiles aujourd’hui ?

L’École m’a apporté des compétences techniques poussées en maille et en patronage maille. Ces deux années ont énormément stimulé ma créativité, notamment grâce à la confiance qu’avaient les professeurs en nous, et les moyens qu’ils ont mis en œuvre pour nous pousser à explorer notre créativité, sans limite. En deux ans j’ai tout appris de la confection d’un vêtement sur machine à tricoter domestique. J’ai aussi pu faire un premier pas vers le monde industriel grâce des visites / collaborations avec les ateliers de confection Shima Seiki et Stoll. Les partenariats avec des professionnels ont été des premiers pas vers le monde du travail, et m’ont permis d’y atterrir ensuite plus ou moins en douceur. Le savoir-faire de styliste modéliste maille est reconnu et recherché dans le milieu de la mode. Il est aujourd’hui largement moins enseigné que le stylisme chaîne et trame, c’est un savoir-faire encore rare. Aujourd’hui, quand je travaille avec des professionnels du tricotage semi-industriel, je partage le même vocabulaire et ne suis pas perdue lorsque je dois faire des propositions. L’École de la Maille enseigne le stylisme conceptuel ET le stylisme technique, nécessaires dans le monde du travail mais souvent oublié en école de mode.

Quel a été ton parcours après l’école et ton activité actuelle?
J’ai dès le lendemain du défilé envoyé mon book à ma marque préférée Vitelli. Ils m’ont répondu OUI pour une collaboration qui s’est super bien déroulée. J’ai créé et fabriqué à la main une gamme de chaussures surcyclées puis re-maillées / crochetées / scotchées etc etc. Elles ont défilé lors de la Milan Fashion Week dans un studio de mode underground milanais.
Je ne voulais pas faire de stage, j’avais déjà eu ma dose avant L’École de la Maille… et au-delà du manque d’envie de me retrouver stagiaire dans une grosse maison, je n’avais pas les moyens financiers de m’offrir une année de plus à Paris payée 600e/mois.
Donc, après l’expérience Vitelli, je suis partie me balader en Amérique Latine, faire le point.
Le covid m’a fait rentrer fissa… j’ai passé plusieurs mois dans la maison familiale à me remettre de mes émotions. Et finalement, tout s’est éclairé et je n’avais plus qu’une idée : mettre tout mon savoir-faire et tout mon temps de travail au service d’une mode vertueuse ET soutenant le développement de la filière laine française. Je me suis lancée en tant qu’auto-entrepreneuse, et aujourd’hui après deux ans j’intègre une coopérative d’entrepreuneur.es et demain j’espère créer une société. J’y crois !
Dans le monde de la mode, être styliste maille me démarque indéniablement ! En mode enfantine 100% tricotée, il faut aller chercher loin dans les pays nordiques pour trouver des concurrents directs. Je savais que le choix que j'avais fait me permettrait de faire la différence. Pour moi, la maille répond, mieux que le tissu, aux enjeux textiles de demain. Car sa fabrication n’émet que très peu de déchets : on crée la matière et la forme en même temps. Pas de coupes donc pas ou peu de chutes. C’est une matière qui fait son grand retour, et on comprend pourquoi !